Jour 28/80 — « Magic Corner »

Le tour de Londres en 80 jours

En ces temps d’incertitude, j’ai besoin d’une ligne de vie, d’un horizon ; j’ai donc — de façon quelque peu arbitraire, je l’admets — fixé une date. Le 1er avril sera mon horizon ; et ma ligne de vie, les 80 jours qui m’en séparent.

Et comme le temps n’est pas aux tours du monde, je vous propose un « Tour de Londres en 80 jours » : Quatre-vingt impressions de Londres, quatre-vingt histoires, lieux, pensées issu(e)s de mon expérience de cette ville formidable et affolante.

Jour 28 : « Magic Corner »

Scotchée à un lampadaire au coin de la rue Saint James, il y a une liste de noms. Des noms gribouillés, raturés, sur un morceau de papier usé. La plupart des passants, distraits par les lumières de Covent Garden, ne le remarquent même pas.

Et pourtant, plus tard, ils s’arrêteront peut-être sur ce coin de rue, ce même coin de rue qui semble pour l’instant si mort. Parce que plus tard, comme tous les jours, ce coin de rue deviendra le Magic Corner.

Un spectacle de magie débutera, comme apparu de nulle part. Un spectacle d’abord intimiste, pour quelques passants, mais qui attirera bientôt une véritable foule. Fascinés, les gens s’arrêteront pour regarder. Ils riront, ils retiendront leur souffle, ils crieront de peur en voyant le magicien avaler un ballon d’un mètre de long. Et incrédules, ils le regarderont faire disparaître et réapparaître de petites balles, les faire voyager d’un gobelet à l’autre avant de les transformer en balles de tennis ou en oranges.

« Mesdames et Messieurs, le spectacle touche à sa fin. J’espère que ça vous a plu. Mais avant de partir, je voudrais vous rappeler que ceci est mon gagne-pain. Personne d’autre ne me paie pour être ici ; ma survie dépend de votre honnêteté.

Alors si vous avez passé un bon moment, déposez dans mon chapeau £5, £10 ou ce qui vous semble un prix juste pour le spectacle que vous venez de voir ; et si vous n’avez pas les moyens de payer, pas de soucis, mais ne partez pas sans rien dire, venez au moins me saluer. Ce fût un plaisir de jouer pour vous aujourd’hui, bonne journée »

Le magicien salue et reste là, chapeau en main ; beaucoup de gens s’approchent, lui serrent la main, déposent quelques livres sterling dans son chapeau. D’autres s’en vont en catimini, le regard baissé.

Et le coin de rue redevient calme ; tout à fait vide, à part cette liste de noms qui claque dans le vent. L’artiste y jette un oeil, crie « Martin, c’est ton tour », puis se retire dans les coulisses invisibles de Covent Garden.

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