Jour 26/80 — Vol

Le tour de Londres en 80 jours

En ces temps d’incertitude, j’ai besoin d’une ligne de vie, d’un horizon ; j’ai donc — de façon quelque peu arbitraire, je l’admets — fixé une date. Le 1er avril sera mon horizon ; et ma ligne de vie, les 80 jours qui m’en séparent.

Et comme le temps n’est pas aux tours du monde, je vous propose un « Tour de Londres en 80 jours » : Quatre-vingt impressions de Londres, quatre-vingt histoires, lieux, pensées issu(e)s de mon expérience de cette ville formidable et affolante.

Jour 26 : Vol

Passer de Bruxelles à Londres, c’est un peu comme passer d’un tout petit village sympathique à une grande ville terrifiante. On ne peut pas se permettre d’être trop innocent à Londres, il faut toujours être sur ses gardes. Je l’ai appris à la dure : durant ma première année à Londres, on m’a volé mon vélo, mon sac et mon saxo.

Mon cher saxophone, celui que j’avais depuis mes seize ans, celui que ma grand-mère avait contribué à financer, fut volé à Charing Cross Road après une jam session. La police m’a dit que ça arrivait beaucoup dans le quartier ; apparemment, certaines personnes se spécialisent dans le vol d’instruments aux alentours des clubs de musique.

Mon sac fut volé dans un café. J’ai vraiment paniqué quand j’ai remarqué qu’il n’était plus dans mes affaires : j’étais dans le centre de Londres, seule, complètement désemparée. Quand les gens autour de moi ont réalisé ce qui se passait, ils se sont tout de suite organisés : l’un m’a offert une boisson chaude (pour me réconforter), un autre un billet de £5 (pour pouvoir rentrer chez moi), un autre encore m’a donné des conseils pratiques (qui appeler, que faire et dans quel ordre). Tout cela m’a aidée à reprendre mes esprits et je me suis levée pour rentrer chez moi. En chemin, je suis passée dans mon bar préféré (dont je vous parlerai un autre jour). Je connais les habitués du lieux, et eux aussi ont été très en soutien : j’ai tout de suite eu un double Gin-Tonic devant moi (pour reprendre des forces), et un ami m’a prêté un peu plus d’argent (pour survivre jusqu’à ce que je récupère une carte de banque) ; ils m’ont changé les idées, m’ont rassurée, et m’ont fait me sentir un peu mieux.

Mais quand mon vélo fut volé, j’ai perdu la foi. Mon fidèle Brompton, volé en plein jour à côté de la National Gallery ! Comme c’est un vélo pliable, je l’emporte en général avec moi à l’intérieur, où que j’aille, dans les magasins, au théâtre : on peut toujours le laisser au vestiaire. Mais pas à la National Gallery ; on m’a refusé l’entrée pour des raisons de « sécurité », bien que personne ne sache clairement m’expliquer en quoi mon vélo était dangereux. Alors je l’ai attaché dehors, où on m’avait conseillé de le faire. Une heure plus tard, il n’y était plus. C’était la goutte, et j’ai commencé à sérieusement me demander si Londres essayait de me faire passer un message, si je devais simplement rentrer chez moi. Et puis, quelque chose de formidable est arrivé.

Mes amis ont dit non. Ils m’ont interdit de rentrer. Il m’ont dit qu’ils viendraient me chercher en Belgique et me ramèneraient ici si je partais. Et ils ont organisé un concert bénéfice pour m’aider ; nous n’étions finalement pas si bien organisés que ça et n’avons pas récolté tellement d’argent, mais en fin de compte ce n’est pas ça qui est important : tous les gens que j’aime ici se sont rassemblés pour m’organiser quelques chose, pour me soutenir, pour me remonter le moral. Et ça a marché. Alors si un jour vous vous sentez tout seul ou tout petit à Londres, regardez mieux ; au milieu de la jungle qu’est cette ville énorme, il y aura toujours au moins quelques visages amis, et quelques parfaits étrangers prêts à vous aider.

*Pour info, on m’a également refusé l’entrée à la National Gallery ET au British Museum quand j’avais mon saxophone avec moi. Apparemment, c’est également un objet dangereux…

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